mercredi 22 juin 2011

Si tu avais été... Chapitre 07 - La place est libre !



Chapitre 07

La place est libre !
Le 14 juin
Nous prîmes l’habitude d’aller ensemble à la piscine le samedi matin. Je passais chez Kévin vers 9 h 30, il m’attendait pour déjeuner. J’amenais les croissants, Martine sortait ses confitures. Kévin descendait, les yeux encore plein de sommeil. Il s’asseyait en face de moi. J’ai aimé… non, j’ai adoré ces samedis matin. Je les attendais toute la semaine, mes vendredis en étaient transformés. Nos jours sont ainsi embellis par nos lendemains ! J’imaginais à l’avance nos discussions. Je devinais et savais déjà tes questions. J’aimais nos sous-entendus, nous nous dévoilions par petites touches. Ce fut un plaisir de vivre et de vibrer à tes côtés. Tout m’enchantait, je t’admirais, j’admirais ton corps et tes mimiques, chaque expression de ton visage me fascinait. Ces quelques instants passés en tête à tête me chaviraient, me retournaient le cœur. J’en ressortais fragilisé, amoureux, accro. Je planais, je volais très haut. Je me sentais invincible, prêt à tout, même à sauter du plus haut des plongeoirs de la piscine ! Je garderai toujours un souvenir ému de ces matins-là. Nous partions à 10 heures, à midi nous étions de retour. C’était mi-juin, trois semaines que nous nous fréquentions assidûment. Trois semaines que je vivais un rêve. Plus le temps passait, plus ce mec me séduisait et plus j’étais amoureux. Je me réveillais chaque matin dans un état second et mes toutes premières pensées étaient pour lui. Ce jour-là, je frappai à la porte… une fois… deux fois… comme d’habitude c’est Martine qui m’ouvrit.
-          On ne s’est pas réveillé. Kévin dort encore. Tu peux aller le secouer ?
-          Il vaut peut-être mieux le laisser dormir.
-          Il t’avait donné rendez-vous ?
-          Oui !
-          Alors vas-y. T’as amené les croissants et il est 9 heures et demie. C’est plus que l’heure de se réveiller !
Je montai au premier et entrai doucement dans sa chambre. Il dormait toujours. Il était nu jusqu’à la ceinture… Je le contemplai un moment. Je l’avais tellement imaginé dans ce lit, et il était là sous mes yeux étonnés. Qu’il était beau, avec ce collier autour du cou… ce collier si noir, qui contrastait sur sa peau blanche. Son prénom gravé sur l’anneau en acier. Ses grains de beauté… un à la base du cou au-dessus de la clavicule, et deux autres sur la poitrine. J’eus un instant la folle envie de le découvrir un peu plus mais heureusement, je ne le fis pas. Pourquoi cette idée me traversa-t-elle l’esprit ? Je me le demande encore. Ces instants de folie, lorsque j’en ai, me font toujours peur. Je le pris par l’épaule et le secouais doucement. Je sentais la chaleur de son corps sous ma main. Mon cœur battait très fort. Il ne bronchait pas, je le réveillais en douceur. Il mit un moment avant d’ouvrir les yeux. Il me regarda sans comprendre.
-          C’est moi, tu ne t’es pas réveillé !
Soudain, il rejeta drap et couverture et se leva. Il était entièrement nu. J’étais gêné, je me demandais s’il avait bien compris que j’étais là. J’osais à peine le regarder. Il dormait encore. Il était là, debout au milieu de la chambre, ne sachant où aller. Je l’avais déjà vu en maillot de bain mais jamais complètement nu. Sur son corps imberbe, qui était aussi blanc que son visage, on y voyait plein de petites veines bleutées. Son ventre, son sexe, ses fesses… tout me fascinait. J’étais à peine remis de mes rêves nocturnes que j’assistais à un spectacle tout aussi irréel. De la tête aux pieds, ce mec était parfait. En me dirigeant vers la porte, je risquai :
-          Je t’attends en bas.
-          Non, attends-moi. Je m’habille. Je n’en ai pas pour longtemps.
J’attendis. Il disparut dans la salle de bain. Il en ressortit tout aussi nu. Je le vis s’habiller, il était magnifique. J’étais à la fois ému et troublé mais enchanté d’assister à cette scène imprévue. Mes pulsions cardiaques résonnaient dans tout mon corps. J’avais l’impression de transgresser les lois, d’être en un lieu interdit, tout en en ayant l’autorisation. C’était très confus dans ma tête.
Kévin déjeunait en face de moi, comme s’il ne s’était rien passé. Ce que j’avais vu me troublait encore, avec cette étrange impression, cette quasi-certitude, celle de le revoir bientôt dans la même tenue. Était-ce une évidence, un fantasme, ou une vision de l’avenir ? Je ne savais plus où j’étais… partout et nulle part… au bord d’un fleuve… en haut d’une montagne… en pleine mer… dans la baie de San Francisco… dans un motel en plein désert. Cela n’avait aucune importance, je n’avais d’yeux que pour lui. La serveuse revint nous proposer un verre de jus d’orange.
-          Non, merci Martine, pas pour moi.
Nous parlions peu, n’échangions que les banalités d’usage.
-          T’as bien dormi ?
-          Oui et toi ?
-          Moi aussi… la preuve !
Nous gardions les vraies questions pour plus tard. Je ne pouvais quitter mon ami des yeux, il me captivait. Après avoir trempé son croissant dans son bol de chocolat, la viennoiserie lui échappa des doigts et retomba dans le bol, éclaboussant ainsi la table et son t-shirt. Kévin ne pouvait que constater les dégâts.
-          Je mange vraiment comme un cochon !
Je l’examinais songeur et émerveillé.
-          Oui, mais même quand tu manges comme un cochon, t’as l’air d’un prince.
Le prince releva la tête pour me regarder et tenter de comprendre ce que je voulais dire. Je me contentai de lui sourire. Ce matin-là n’était pas n’importe quel matin. Je ne savais pas pourquoi, depuis mon réveil tout m’enchantait. À peine sorti de mes rêves, je fus enivré par l’atmosphère qui régnait autour de moi. À la maison, dehors, chez Kévin, toutes sortes d’odeurs agréables planaient dans les airs. Même à la piscine, le chlore sentait bon. Puissions-nous trouver un jour, le dosage de ce mélange chimique, qui une fois injecté, nous maintiendrait amoureux toute la vie, dans cet état second où tout paraît si beau. Où le plus raté des croissants devient le plus savoureux, la plus amère des confitures, la plus exquise, où l’air le plus pollué a le parfum du lilas et où le plus ordinaire des garçons devient le plus beau, le plus séduisant des princes. S’il m’avait jeté son bol de chocolat à la figure, je l’aurais trouvé délicieux et à la bonne température !
Il me regardait avec de grands yeux étonnés et la bouche ouverte.
-          Ferme la bouche, beau prince !

À la piscine, nous chahutions souvent. Mes mains s’attardaient sur sa peau et les siennes sur la mienne. J’aimais toucher son corps. Les mêmes gestes, autorisés en milieu aquatique, eurent été déplacés dans un autre contexte. Ces contacts avec sa peau me consumaient. J’aimais comme je me méfiais des envies et des frissons qui me parcouraient le corps. Kévin ne se réveilla vraiment qu’une fois dans l’eau. Nous faisions des longueurs. À chaque bout de piscine, nous marquions une pause et comme d’habitude, il reprenait ses interminables questions :
-          Tu la revois toujours ta fiancée ?
-          Ce n’est pas ma fiancée.
Imperturbable, il reformulait sa question :
-          Tu la revois toujours la fille qui n’est pas ta fiancée ?
-          Non, il y a un moment que je ne l’ai pas revue… Depuis la brocante !
-          Ah bon. Avant, tu la voyais souvent ?
-          Chaque semaine. Mais avec toi, je n’ai plus le temps.
-          Avec moi ?
-          Oui, avant j’étais seul. Je ne faisais rien à part m’ennuyer. Avec toi je n’arrête plus : peinture, pénis… – Je ne pouvais qu’en rire. – Je voulais dire tennis… piscine… c’est génial !
J’étais rouge de confusion de ce lapsus, Kévin rit aussi.
-          Oui mais ça ne remplace pas. T’es déjà sorti avec une autre fille que Stéphanie ?
-          Non.
-          Tu n’as embrassé qu’une fille dans ta vie ?
-          Non.
-          Comment ça ?
-          J’ai aussi embrassé Laetitia.
-          Je croyais que tu ne l’aimais pas.
-          Et alors ?
-          Tu embrasses toutes les filles que tu n’aimes pas ?
-          Ouais, c’est un peu ça ! Celles que j’ai vraiment aimées, j’étais trop jeune, je n’ai jamais osé le leur dire donc je ne les ai pas embrassées. Laetitia c’était différent. C’est elle qui m’embrassait. J’aimais bien alors je me laissais faire.
-          Ah, ouais… T’as déjà embrassé un garçon ?
-          Non et toi ?
-          Oui, un cousin. Enfin… C’est lui qui m’a embrassé, en me disant qu’il m’aimait. On ne l’a fait qu’une fois. Mais je n’ai jamais embrassé de fille.
-          Tu n’en as jamais eu envie ?
-          Je ne sais pas. Si sûrement mais on ne peut pas sauter sur n’importe qui sans prévenir. Il y a forcément un minimum de bla-bla-bla avant. Et comme toi, tous ceux que j’ai aimés, je n’ai jamais osé le leur dire.
-          Tous ceux ou toutes celles ?
-          Les deux ! C’est drôle, ça ne fait pas un mois qu’on se connaît et je te dis des choses que je n’ai jamais dites à personne, à part à ma mère !
-          Ouais. Moi aussi, c’est qu’on se fait confiance. Tu lui dis toujours tout à ta mère ?
-          Oui, presque tout.
-          Et alors, c’était bien avec ton cousin ?
Il haussa les épaules sans répondre, nous refîmes une longueur, puis Kévin revint à la charge.
-          Tu tombes souvent amoureux ?
-          Tu ne penses qu’à ça !
-          C’est important et puis c’est normal ! Tu n’y penses pas, toi ? Un ado pense au sexe X fois par jour.
-          Tu parles de sexe ou d’amour ?
-          C’est la même chose.
-          Non, pas toujours. Je ne suis pas mieux qu’un autre mais à la piscine, quand je fais des longueurs, j’avoue que parfois je ne pense à rien.
-          C’est impossible, on pense toujours à quelque chose. Même pendant le sommeil, notre cerveau continue de travailler et de se faire des films.
-          Ça, c’est vrai.
-          Tu rêves souvent ?
-          Ça m’arrive. Tu veux tout savoir !
-          Normal, t’es mon ami, j’ai envie de mieux te connaître.
-          C’est quoi, un ami ? Aujourd’hui quand on dit : « C’est mon ami ! » ça veut souvent dire autre chose.
-          Oui, je sais… Je voudrais bien être ton ami.
Il avait dû faire un effort terrible pour prononcer cette phrase mais moi je fis celui qui n’avait pas entendu et repris la conversation.
-          Pour revenir à ce que tu disais : on peut s’aimer sans faire l’amour.
-          Tu fais ça, toi ? Tu aimes ta copine mais tu ne lui fais pas l’amour ?
-          Ma copine je ne l’aime pas, je te l’ai déjà dit. Alors je ne risque pas de lui faire l’amour. Tu veux mieux me connaître mais tu n’écoutes pas mes réponses.
-          Et toi, tu n’as toujours pas répondu à ma question.
-          Laquelle ? Tu n’arrêtes pas d’en poser !
-          Si tu tombes souvent amoureux ?
-          Oui, ça m’arrive aussi.
-          Oh la réponse d’enfer ! En ce moment, t’es amoureux ?
Je regardais Kévin sans le voir, les yeux dans le vague.
-          Oui… comme je ne l’ai jamais été. Mais ça aussi, je te l’ai déjà dit !
J’étais ému, j’essayais de reprendre le contrôle.
-          Waouh ! T’as déjà fait ta déclaration ?
-          Non !
-          Qu’est-ce que t’attends ?
-          Parfois, ce n’est pas facile de faire le premier pas !
-          Tu préfères qu’on le fasse pour toi ?
-          Non… Je ne sais pas…
-          Qui est-ce ?
J’hésitai un instant.
-          Je ne peux pas te le dire. Et toi ?
Je rêvais de lui dire : « C’est toi ! » Mais je dis : « Et toi ? » A une syllabe près, ça se prononçait presque pareil mais ce n’était pas la même chose.
-          Moi aussi… j’aime quelqu’un, comme un fou, et je meurs d’envie de te dire qui c’est, mais je ne sais pas si je peux.
Plus le temps passait, plus je sentais nos conversations converger dans le même sens. J’étais gêné, parlions-nous vraiment de la même chose ? J’attendais comme je redoutais cette révélation. Alors je pris la fuite dans une nouvelle longueur. Kévin se mit à me suivre et me rejoignit.
-          C’est drôle, à chaque fois que je te parle de ça, tu te défiles !
-          Ça ne t’empêche pas de revenir sur le sujet.
-          Bryan, je suis ton ami. On devrait tout se dire.
-          On ne peut jamais tout dire.
-          Bien sûr que si ! T’as déjà aimé un garçon ?
-          Pourquoi ?
-          Si tu réponds à une question, par une autre question, on n’y arrivera jamais !
-          Arriver à quoi ?
-          À mieux se connaître.
J’hésitais un instant mais je ne pus éluder cette question.
-          Oui, ça m’est déjà arrivé ! Et toi ?
-          Moi aussi mais ça aussi je te l’ai déjà dit !
-          Là, on a fait un grand pas en avant !
-          Je peux te poser une question ? me demanda-t-il.
-          Tu n’arrêtes pas de m’en poser, et là tout d’un coup, tu me demandes l’autorisation de m’en poser une autre. Trop fort ! Pose toujours, on verra bien.
-          Qu’est-ce que tu penses de moi ?
-          T’as pas le droit de me demander ça !
-          Peut-être mais je voudrais savoir.
-          C’est drôle. En un an, t’es la deuxième personne à me poser cette question !
-          Ah bon ! Qui était la première ?
-          Laetitia.
-          Que voulait-elle savoir ?
-          Devine ! La même chose que toi.
Mais à chaque fois que l’un de nous deux tendait une perche, l’autre semblait la rejeter. Kévin continua comme s’il n’avait rien entendu.
-          Et que lui as-tu répondu ?
-          La vérité.
-          C’est-à-dire ?
-          Que je l’aimais bien mais que je n’étais pas amoureux.
-          Et à moi, tu vas me dire la vérité aussi ?
-          Tu voudrais ?
-          Oui, bien sûr.
-          De toi… je pense plein de choses.
-          C’est-à-dire ?
-          T’es quelqu’un d’étonnant… T’es mon meilleur ami et même le seul, je n’ai jamais eu d’ami comme toi avant !
-          Qu’est-ce que ça veut dire ?
-          Ça veut dire qu’on est très proches, enfin moi je le ressens comme ça. J’ai beaucoup d’affection pour toi. Tout ce que tu dis, tout ce que tu fais… me touche énormément et m’épate aussi. L’autre soir au théâtre, j’étais mort de rire. Comment tu t’énerves vite ! Tu prends des décisions avec une détermination de guerrier. C’est tout de suite « saut des remparts et prise de la citadelle » ! Quand j’ai vu ta tête, j’ai immédiatement compris que tu allais tenter quelque chose d’inhabituel. Quand tu fais ça, je suis complètement retourné. Tu le fais pour moi, pour toi aussi évidemment mais je sens qu’on est vraiment solidaires. T’es mon ami, mon allié. Je sais que je pourrai toujours compter sur toi, c’est génial !
Il paraissait furieux :
-          Je ne suis que ça pour toi ! Un complice !
-          C’est déjà pas mal. Mais t’es plus que ça, tu le sais bien !
-          Non, je ne le sais pas, sinon je ne te poserais pas la question…
-          Ce matin, t’étais magnifique !
Je faisais allusion à sa nudité. Alors Kévin me reposa une ultime question :
-          Tu penses la revoir ta copine ?
-          Oh non ! Tu veux savoir si la place est libre ?
-          Oui… mais pas celle que tu crois !
Il me laissa là et repartit dans l’autre sens. Je me laissai couler à pic au fond du bassin. En remontant, je tentais de comprendre ce qu’il avait voulu dire. C’était notre dernière longueur. Lorsque j’arrivai au bout de la piscine, il en était déjà sorti. Je le rejoignis sous la douche. Nous n’étions pas seuls, nous ne parlions plus. La piscine n’était pas loin, j’avais laissé ma moto chez moi, nous rentrâmes à pieds. Le retour fut silencieux, nous étions chacun perdus dans nos pensées. Quand nous arrivâmes chez moi, ma mère n’était pas rentrée. Kévin me suivit dans ma chambre. Nicky fut surpris de ne pas y être invité. Je m’assis à mon bureau et démarrai mon ordinateur, histoire de faire quelque chose. Kévin s’était assis sur mon lit, c’est lui qui rompit le silence :
-          T’es bien silencieux tout d’un coup !
-          Je repensais à ce que tu m’as dit à la piscine.
-          Qu’est-ce que j’ai dit ?
-          Tu ne t’en rappelles pas ?
-          Si… Oh ! là, là ! Ton air sérieux, tout d’un coup, m’impressionne et me séduit.
Nous étions face à face, faisait-il exprès d’employer ces mots-là ? Je ne pouvais pas le laisser dire de telles choses sans réagir…
-          Te séduit ?
-          Oui. Bryan, j’ai un grand secret… mais je ne sais pas si je peux te le dire.
Mon cœur s’emballa. Je m’efforçai de rester calme.
-          Un secret ? Waouh ! J’adore les secrets ! Mais je suis presque sûr, que ce n’en est pas un. Je sais tout de toi. Vas-y, tu peux me le dire, je t’écoute. Et puis je suis ton ami !
Comment pouvais-je être aussi affirmatif ? C’était vrai que je t’avais déjà deviné, mais j’étais loin de tout savoir. Jour après jour, j’ai aimé te découvrir… Qu’est-ce que j’ai aimé ! Chaque soir, j’en noircissais des pages et des pages. Il y avait ce que je savais et ce que j’imaginais. À ces mots, tu semblais déstabilisé et commençais à gigoter en me regardant d’un air gêné et interrogateur.
-          Il te faudra faire preuve de beaucoup d’amitié pour accepter celui-là, si toutefois t’y arrives.
Je m’en défendais.
-          J’ai beaucoup plus d’amitié pour toi que tu ne peux l’imaginer. J’en ai assez pour entendre et accepter tout ce que tu pourras me dire.
-          Tant mieux ! Voilà… Je ne suis pas un garçon comme les autres…
Il hésitait encore. Je ris et fis semblant de ne pas comprendre.
-          Ça, ce n’est pas un secret, je le savais déjà.
-          Non… Ce que je voulais dire…
Il cherchait ses mots. Je le laissais s’emmêler dans ses explications.
-          Tu comprends… T’es mon ami… Moi non plus, je n’ai jamais eu d’ami comme toi avant… Je t’aime beaucoup… On s’entend trop bien… Alors, quoi qu’il puisse arriver… Quoi que je puisse te dire… Je voudrais… qu’on reste amis… Tu comprends !
Il était très sérieux, et moi, je ne riais plus.
-          Oui. J’ai très bien compris ce que tu voulais dire, mais ça aussi je le savais.
-          Tu le savais ?
-          Oui, ou je l’espérais plutôt. Moi aussi j’ai un secret Kévin. Es-tu prêt à l’entendre ?
Il fut surpris par ce retournement de situation.
-          Oui.
-          Moi non plus, je ne suis pas comme les autres. Je suis comme toi…
Il continua de gigoter dans tous les sens. Son cerveau devait être en pleine ébullition. Comme moi à la piscine, il tentait de comprendre ce que je voulais dire.
-          T’es certain qu’on parle de la même chose ?
-          Oui ! Tu voulais savoir si j’étais amoureux, oui je le suis… de toi ! Je t’aime Kévin… Je t’aime… autant que je pense que tu m’aimes. Et la réponse est oui… la place est libre !
Il resta une seconde la bouche ouverte, puis finit par sourire, de ce même sourire qu’un matin du mois de Mai.
-          Comment t’as deviné ?
-          Comment j’ai deviné ? Tu me poses toujours les mêmes questions. Tu me demandes sans arrêt des nouvelles de ma copine, si je l’aime toujours, si je fais l’amour avec elle, si j’ai des amis, si j’ai déjà aimé un garçon… Si la place est libre… T’avais mis notre photo en fond d’écran sur ton ordinateur ! Tu n’arrêtes pas de tourner autour du pot !
-          Ce n’est pas facile, j’avais peur de te le dire, peur de perdre ton amitié surtout, je ne l’aurais pas supporté.
-          Je sais, moi non plus ! C’est fait, on se l’est dit… Enfin moi je te l’ai dit !
-          Je t’aime aussi, Bryan. Je t’aime… je m’en rends malade.
Il avait soudain les larmes yeux, et avait presque crié la fin de la phrase.
-          Ce n’est pas grave, il ne faut pas pleurer. C’est la plus belle des maladies, celle dont il ne faut surtout pas guérir… T’étais trop beau ce matin, je ne t’avais jamais vu tout nu… J’étais bouleversé. Quelle journée ! Que va-t-on faire maintenant ?
-          Je ne sais pas… Continuer comme avant !
-          Ah non… Ce ne sera plus jamais comme avant !
-          Tant mieux. C’était trop dur.
-          C’est fou ! Qu’est-ce qui nous arrive ?
-          Une aventure extraordinaire !
-          Ça paraît trop beau pour être vrai. J’ai peur de me réveiller et de réaliser que ce n’était qu’un rêve de plus.
Il s’approcha de moi et me pinça le bras très fort.
-          Aie ! T’es con ou quoi ?
-          Ce n’est pas un rêve, dit-il en riant et j’ai une envie folle de t’embrasser.
Je me levai, nous étions face à face. Un moment d’hésitation, puis il me prit dans ses bras et nous nous sommes embrassés. J’avais déjà embrassé mais avec toi c’était tellement différent, tout était différent ! Je t’aimais. C’était là, la grande différence. Tes lèvres sur les miennes… je ne savais pas qu’un garçon pouvait avoir les lèvres aussi douces. Tu avais des lèvres très fines mais tendres et généreuses. Les yeux fermés, tout défilait à cent à l’heure dans ma tête. Je ne parvenais pas à y croire, pourtant c’était bien toi et moi ! Encore plein de premières fois. Je venais de te voir entièrement nu, tu étais dans mes bras et je t’embrassais ! Combien de temps dura ce baiser ? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’à peine terminé, je ne souhaitais qu’une chose : recommencer. Puis nous sommes restés debout, enlacés pendant un long moment, un peu maladroits, sans oser ni parler, ni bouger. Conscients de vivre un moment important. Nous avons découvert ces sensations nouvelles provoquées par le contact de l’autre. Toucher son corps, sentir sa respiration, sa chaleur, son odeur, sa douceur… Toutes ces sensations troublantes et exquises qui font que l’on voudrait voir le temps s’arrêter pour mieux en profiter… Kévin finit par se dégager doucement de mon étreinte, il me prit par le bras et vint s’asseoir sur le lit, m’invitant à faire de même.
-          Viens !
Je me laissais faire. Nous nous sommes encore embrassés.
-          Je n’arrive pas à y croire. T’es là chez moi, dans ma chambre, sur mon lit, et on s’embrasse ! Que s’est-il passé ? Il y a un mois, c’était de la science-fiction.
-          De la science-fiction ? Tu ne t’y attendais pas ?
-          Je l’espérais mais je n’y croyais pas. À chaque fois que je voyais ton visage tout près du mien, j’en mourrais d’envie. Je me disais : « C’est aujourd’hui, il va le faire ! » Mais tu ne l’as jamais fait.
-          T’aurais voulu ?
-          J’étais prêt, je t’attendais.
-          J’en mourrais d’envie. Parfois, j’y étais résolu mais je ne pouvais pas. J’avais peur, je n’aurais pas supporté un refus.

Kévin me prit les mains et les examina.
-          Je veux tout savoir et tout voir de toi, tout ce que je n’avais ni le temps ni le droit de faire avant.
-          Tout ?
-          Oui, tout !
Il me poussa pour m’allonger sur le lit, se laissa aller à mes côtés et m’embrassa encore, et encore.
-          J’ai passé des heures à imaginer où tu habitais, ta maison, ta chambre, ton lit… dit Kévin. Dès que je me réveillais, je pensais à toi, je me demandais : où est-il ? Que fait-il ? C’est terrible de ne pas savoir.
-          Je sais. Je me posais les mêmes questions.
-          Tout à l’heure en rentrant, je mourrais d’envie de t’embrasser.
-          Tu me fais ça dans la rue, je te tords le cou !
-          Tu le ferais ?
-          Non, mais c’est bon, on ne va pas se sauter dessus. Surtout ici, dans la rue où tout le monde nous connaît !
-          Tu n’es pas prêt ? demanda-t-il.
-          Prêt à quoi ?
-          À assumer ton homosexualité.
-          Je ne sais pas, je n’y ai jamais pensé. Ça s’appelle comme ça ?
-          Tu n’y as jamais pensé ?
-          Arrête ! Je ne pense qu’à ça au contraire, depuis des mois…
-          Ce n’est pas grave, on est comme on est.
-          Je le sais bien, mais le plus dur, c’est le regard des autres.
-          On s’en fout !
-          Moi, pas.
-          Ça viendra.
-          T’as toujours réponse à tout !
-          Non, hélas !
Silence, son regard s’assombrit, il me regarda sans me voir.
-          Maintenant, c’est toi qui es sérieux !
Il finit par dire :
-          S’il faut se cacher, ça ne va pas être si simple.
-          C’est plus drôle quand c’est compliqué.
-          Tu crois ?
Je haussai les épaules.
-          On verra bien.
-          Et maintenant, c’est quoi la suite ?
-          Je n’en sais rien, ce n’était pas prévu !
-          Pas prévu ! dit Kévin. Tu n’avais jamais envisagé de m’en parler un jour ?
-          Oh si, je l’ai fait des centaines de fois… dans mes rêves… Enfin j’ai tenté de le faire des centaines de fois car même dans mes rêves, je n’y arrivais pas. Je passais mon temps à te chercher sans jamais te trouver.
-          Qu’est-ce que ça veut dire ?
-          Ça ne veut rien dire. À part que mon cerveau a peut-être des problèmes pour assumer ma sexualité. J’étais résolu à t’en parler mais je ne savais pas comment faire, ni que ce serait si tôt.
-          Si tôt ! Ça fait six mois qu’on se connaît !
-          On se connaissait, sans se connaître, dis-je.
-          Avant le mois de juin, je voyais les vacances arriver et je déprimais à mort à l’idée de ne plus te voir pendant deux mois. Je ne connaissais ni ton nom, ni ton adresse. Mais à chaque fois que je m’approchais de toi, j’étais complètement paralysé, bloqué, et les neurones en vrac !
-          J’ai du mal à le croire quand je vois comme tu as la parole facile.
-          Ça n’a rien à voir. Quand t’es tétanisé, tu ne peux plus rien faire !
-          Aujourd’hui, tu ne l’étais pas.
-          En apparence, des jours et des jours que je cherchais comment aborder le sujet.
-          Et si je ne t’avais pas aimé !
-          Impossible ! J’étais persuadé du contraire.
-          Pourquoi ?
-          Tu passais ton temps à me chercher et à me regarder.
-          Moi ?
-          Oui, toi ! dit-il. La première fois que je t’ai vu, tu me regardais déjà ! Je venais juste de mettre un pied dans ce lycée. T’as oublié ?
-          Non ! Comment le pourrais-je ?
-          Ensuite nos regards n’ont pas cessé de se croiser. Quand je sentais ton regard posé sur moi…
-          Tu sentais mon regard posé sur toi ?
-          Oui. Ça ne t’est jamais arrivé ?
-          Si, mais c’est drôle, comment est-ce possible ? Un regard, ce n’est pas une main sur l’épaule !
-          C’est comme si ! dit Kévin… Je me retournais et tout de suite, tu regardais ailleurs. Et ce que tu as dit le jour de la brocante…
-          Qu’est ce que j’ai dit ?
-          Tu m’as dit : « Je ne savais pas que tu peignais ! » On ne se connaissait pas ! Si tu ne m’avais jamais remarqué, tu n’aurais pas dit ça. Tu parlais comme si tu me connaissais depuis des années, c’était la gaffe à ne pas faire. J’étais à la fois trop content que tu l’aies faite et en même temps mort de rire. Aussi la tête que tu as faite ce matin-là, en arrivant, quand tu m’as vu !
-          Tu n’as pas vu la tienne !
-          Ta façon de me regarder depuis… J’étais presque certain que tu étais comme moi, amoureux et incapable de faire le premier pas. Je savais que tu étais aussi impressionné que moi. Les rares fois où on aurait pu se parler, ça s’est terminé en fiasco !
-          Un jour, nous nous sommes télescopés au lycée, tu avais fait exprès ? demandai-je.
-          Non, je te cherchais partout ! Quand je te trouve, c’est pour te percuter, bredouiller un mot d’excuse et partir en courant ! Ce jour-là, j’étais démoralisé, je me disais : « t’es trop nul, c’était l’occasion ou jamais de lui parler ! » Au lieu d’en profiter, complètement perturbé, je suis parti d’un côté et toi de l’autre ! Ce sont tous ses petits détails qui me faisaient penser qu’on devait éprouver la même chose l’un pour l’autre. Avec une fille c’est pareil, quand on ne l’aime pas, on est super à l’aise. Dès le premier jour, je n’ai vu que toi, et toi, que moi !
-          Moi, le premier jour, je me suis dit : « Tiens, il est beau ! » Le lendemain aussi… Le troisième je te cherchais partout, et le quatrième tu me manquais déjà. Ensuite, tu m’as pourri la vie !
-          Je sais.
-          Comment ça, tu sais ?
-          J’ai vécu la même chose, dit Kévin.
-          Je pensais à toi tout le temps, tout le temps, tout le temps… Mais le pire c’est que je ne savais rien de toi. Je ne savais pas qui tu étais, où tu habitais, si tu avais des frères, des sœurs, des amis, une petite amie… Je ne connaissais même pas ton prénom. Le côté rassurant c’est que tu étais souvent seul et triste.
-          Triste ?
-          Ouais. Tu ne riais jamais. La première fois que je t’ai vu rire, c’était à la brocante. Là je t’ai vu rire toute la journée, je ne te reconnaissais pas !
-          J’avais de bonnes raisons de rire. J’étais trop content que tu sois là.
-          Mais à chaque fois que je voyais quelqu’un te parler, j’étais vert de jalousie.
-          Et moi, quand je t’ai vu à l’enterrement de Julien avec cette fille que tu tenais par la main, j’ai cru mourir. J’en ai eu mal au ventre toute la journée.
-          Elle n’aurait pas dû venir.
-          Oui mais elle était là. Et elles étaient deux en plus !
-          En fait, t’as raison. Je n’arrivais pas à admettre mon homosexualité. C’est uniquement pour cela que je suis sorti avec Stéphanie, pour me prouver que je n’étais pas homo, que je pouvais fréquenter une fille, l’embrasser, l’aimer…
-          Résultat ?
-          Un fiasco ! Plus je voulais faire taire mes sentiments, plus ils se débattaient, plus ils remontaient à la surface et plus je t’aimais. Un vrai calvaire ! Au cimetière, j’avais Stéphanie d’un côté et toi de l’autre ! J’avais l’air malin… là je me suis rendu compte qu’il fallait faire un choix.
-          Un choix ?
-          Oui, mais il était déjà fait depuis longtemps. C’est drôle comme on ne vit pas les choses de la même façon. Le jour de l’enterrement, j’étais triste parce qu’on enterrait Julien. Je déprimais un peu, à cause de Stéphanie et de cette histoire qui n’avait plus aucun sens. Mais le soir, c’était tout le contraire. Je n’avais pas mal au ventre. Même si j’étais perturbé, j’étais dans les nuages. C’était la première fois qu’on discutait ensemble ! Je ne t’avais jamais entendu parler, et comme tout le reste, ta voix me fascinait. Nous étions si près l’un de l’autre que nos épaules se touchaient et à la brocante tu me tenais par le cou.
-          Ah… la brocante ! Toutes ces photos ! fit Kévin.
-          Et tu ne voulais pas me les donner !
-          C’était juste pour voir ta réaction…
-          Pas drôle !
-          Aussi, comme j’avais mis notre photo en fond d’écran, je n’osais pas démarrer mon ordinateur. Je ne voulais pas que tu la voies.
-          Raté, je n’ai vu que ça ! Pendant l’enterrement, tu étais près de moi. C’était par hasard ?
-          Chaque fois que j’étais près de toi, ce n’était pas par hasard.
-          Tu me draguais pendant l’enterrement !
-          Je ne draguais pas, je discutais. Et puis « l’amour » et « la mort ! » ça se prononce presque pareil !
-          Peut-être, mais ce n’est pas la même chose. L’amour, je suis d’accord, la mort je ne suis pas pressé.
-          Finalement j’ai bien fait de m’être glissé près de toi, puisque c’est là que tu as réalisé qu’il fallait faire un choix !
-          Il était déjà fait depuis longtemps. Une fille te parlait souvent, au lycée…
-          Ah bon ?
-          Oui, une grosse conne, blonde et belle en plus.
-          Ah, Johanna ! Elle est dans ma classe. Elle n’est ni grosse ni conne et elle a toujours été très gentille avec moi… Tu crois qu’elle me cherchait ?
-          Ne me dis pas que tu ne t’en es jamais aperçu !
-          Jamais, je te le promets.
-          Celle-là, elle m’a fait flipper. J’avais peur que tu en tombes amoureux.
-          Aucun risque. Moi, je ne voyais que toi.
-          Un jour, tu as dit que tu n’arrivais plus à peindre, pourquoi ?
-          À cause de toi, tu m’as complètement perturbé… Le plus dur à cette époque, c’était que je ne pouvais pas te regarder longtemps. Maintenant j’aurai tout mon temps. Quelle journée ! Que fait-on demain ? demanda Kévin.
-          La journée n’est pas finie, on va déjà déjeuner.
-          Oui, mais après ?
-          Ce que tu veux.
-          Ce que je veux !
-          Juste une dernière chose, on garde le secret ?
-          Quel secret ? dit Kévin. Il ne s’est rien passé !
-          T’as très bien compris ce que je voulais dire.
-          Je veux bien mais en rentrant de la brocante, j’ai discuté avec ma mère dans la voiture.
-          Et qu’est-ce que tu lui as dit ?
-          Je n’ai rien eu à lui dire, je crois qu’elle a déjà tout deviné.
-          Tout deviné quoi ?
-          Que je t’aime.
-          Comment est-ce possible ?
-          Quand t’es arrivé le matin, elle t’a reconnu.
-          Je ne l’avais jamais vue !
-          Oui mais, je peins et j’avais entrepris de faire ton portrait d’après une photo.
-          Une photo ? T’avais une photo de moi ?
-          Oui, avec mon portable, ordinateur, imprimante, et hop !
-          Et hop ? Oh l’espion ! J’étais surveillé, photographié, sans m’en apercevoir !
-          Sans t’en apercevoir ! Ça te choque ? Nos regards se croisaient sans cesse, ne me dis pas que tu ne t’en doutais pas !
-          Oh moi, je doute toujours de tout au contraire. Je l’espérais sans trop d’illusions.
-          T’as jamais eu envie de me prendre en photo ?
-          J’en mourrais d’envie, mais je n’ai jamais osé.
Kévin continuait son explication :
-          Je n’ai rien dit à ma mère mais elle sait que je t’aime.
-          Elle te l’a dit ?
-          Elle m’a d’abord demandé si c’était bien toi en photo dans ma chambre.
-          Et alors ?
-          Alors, je suis devenu tout rouge et j’ai dit oui. Elle m’a demandé pourquoi, je lui ai dit la vérité : parce que je te trouvais beau.
-          Comment a-t-elle réagi ?
-          Elle le sait depuis longtemps. Je n’ai pas attendu de te connaître pour lui dire que je préférais les garçons.
-          Quelle a été sa réaction lorsque tu lui as appris que tu étais homo ?
-          Je ne lui ai pas dit comme ça, je n’étais pas aussi catégorique. Je lui ai juste fait part d’une remarque : que je tombais plus souvent amoureux des garçons que des filles. Alors elle m’a dit ce que tous les parents disent dans ces cas-là, j’imagine. Que j’étais encore trop jeune pour en être sûr. Que tomber amoureux de quelqu’un du même sexe, ce sont des choses qui arrivent mais ça ne veut rien dire, que ça peut arriver à tout le monde, etc. En un mot, qu’il fallait attendre cinquante ans pour en être certain ! Mais petit à petit, je l’ai habituée à l’idée. Et aujourd’hui, je pense qu’elle sait, désolé !
-          Comment fais-tu pour en parler aussi librement avec elle ?
-          On n’est jamais très à l’aise pour parler de ces choses-là, mais je m’entends très bien avec ma mère, elle m’aime beaucoup aussi.
-          Mais moi aussi je m’entends bien avec la mienne, et elle m’aime autant. Mais je suis persuadé que le jour où je ne pourrai plus le lui cacher, ça fera un scandale !
-          Il ne fallait pas lui cacher, t’aurais dû commencer plus tôt, la préparer doucement.
-          Mais avant de te rencontrer je n’en savais rien.
-          Tu ne t’en es jamais douté ?
-          Je ne m’étais jamais posé la question.
Il me fixa d’un air malicieux.
-          Jamais ?
-          Non, je n’ai jamais aimé de garçon autant, avant toi.
Kévin se mit à chanter :
-          Mais toi, tu es le premier -Mais toi, tu es le dernier… Tu connais ? C’est une vielle chanson d’Édith Piaf que ma mère écoute parfois, ça s’appelle : « A quoi ça sert l’amour ? » Les paroles sont géniales !
-          Non, je ne connais pas, et alors… ça sert à quoi ?
Kévin reprit sa chanson :
-          A nous donner de la joie — C’est triste et merveilleux.
-          Triste, je ne sais pas, merveilleux c’est certain… Tu crois qu’elle va en parler à ma mère ?
-          Non, elle ne lui dira rien. Que veux-tu qu’elle lui dise ? « Mon fils aime le tien ! » Elle ne le fera pas.
Nous passâmes le week-end ensemble. Week-end de rêve où tout était changé. Nous ne nous regardions plus de la même façon. Les gestes interdits étaient soudain autorisés ! Une complicité nouvelle était née.

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